Gardiens de nos nuits posés sur nos tables de chevet, blottis tout près de nous dans les poches de nos vêtements, guides efficaces de tous nos trajets, les téléphones portables dits intelligents ou connectés, sont devenus les compagnons de nos vies quotidiennes. En cela, ils modifient fondamentalement notre rapport à l’espace et au temps. Ils font évoluer nos pratiques cognitives et culturelles et par conséquent nos modes de penser et d’agir.
Naturellement, cette omniprésence ne peut manquer d’interpeller artistes, écrivains et cinéastes. Si pour David Shields dans Reality Hunger (2010) la littérature est « affamée de réalité », il en est de même pour le cinéma qui cherche à son tour à représenter l’individu en proie à cette hypermodernité que constate Nicole Aubert dans le titre de l’ouvrage qu’elle a dirigé en 2006. Dans les films de cinéma comme dans les pratiques filmiques amateures qui nous intéressent dans cet ouvrage, les téléphones intelligents ne constituent pas seulement un objet référentiel, ils engagent une réflexion approfondie sur les conséquences de l’hypermodernité qu’ils représentent, les affects qu’ils produisent sur l’individu contemporain, son être au monde, sa relation à autrui. Le téléphone façonne nos expériences quotidiennes en même temps qu’il modèle nos représentations mentales.
Cet ouvrage se divise en deux parties. Dans la première partie, les auteur.e.s se sont appuyé.e.s sur un corpus de films dans lequel le téléphone avait un rôle et une fonction centrale dans la structure narrative, les plans, le rythme, le jeu des acteurs (The Guilty, Mission Impossible, Personal Shopper, etc.). Dans la seconde partie, ils/elles ont porté leurs analyses sur des films entièrement réalisés avec le téléphone connecté, pris dans un corpus élargi : du cinéma contemporain aux pratiques de filmage inscrites dans le quotidien.
Le téléphone connecté : acteur du cinéma contemporain
L’emploi du téléphone au cinéma a déjà fait l’objet de plusieurs travaux remarquables : ceux fondateurs de Michel Chion (1982, 2003, 2009), l’essai L’attrait du téléphone (2013) d’Emmanuelle André et Dork Zabunyan, ceux de Roger Odin dans « Quand le téléphone portable rencontre le cinéma » (2014) ; en anglais on peut citer les travaux de Ned Schantz, “Telephonic Film” (2003), mais aussi ceux de Tom Gunning (1991), David Crane (2002), et J.P. Telotte (1989). Tous ces chercheurs ont néanmoins la particularité, malgré les dates parfois récentes de leurs travaux, de s’intéresser prioritairement à des corpus de films reposant sur des usages du téléphone filaire ou portable, mais non connectés.
Ned Schantz considère le milieu du XXème siècle comme la période la plus stable à la fois pour le cinéma et pour le téléphone, à une époque où “movies were movies, and phones were phones” (2003, p.26). Par conséquent, si un véritable «cinéma hollywoodien classique» existe, il en va de même pour une représentation hollywoodienne classique du téléphone, représentation qui domine l'écran pendant cette période de stabilité technologique. Le « téléphone hollywoodien classique » est un objet qu’on retrouve tout particulièrement dans les comédies romantiques et films noirs. Dans leurs contextes, il se prête à fournir des informations essentielles sur la nature des personnages et le monde qui les entoure (souvent sans que l'attention soit attirée directement sur l’appareil en lui-même). Au cours de cette période, le téléphone apparaît soit comme un chaînon dans une narration plus vaste, soit comme un simple objet, un accessoire de décor. En tant que connecteur, il relie des personnages tenus à distance et en tant qu’embrayeur, il stimule le récit, ménage le suspens. Le montage a, en ce sens, le pouvoir de générer du hors champ, de stimuler l’imaginaire du spectateur. Michel Chion avait, quant à lui, déjà largement noté la puissance de création narrative et créative du téléphone au cinéma :
«Le téléphone, au cinéma, n’est pas qu’un accessoire pittoresque ou un simple prétexte à scènes effrayantes ou amusantes. Il est, historiquement, l’une des sources avérées du procédé de montage alterné ou parallèle dans les courts-métrages muets de David W. Griffith. Dans ses différentes versions techniques, il ne cesse de suggérer à la fois de nouvelles situations dramatiques et de nouvelles formules cinématographiques.» (2009)
Sa typologie des téléphèmes (unité de représentation d’une conversation téléphonique), s’appuie principalement sur des procédés de montage dont on peut se demander si l’état de connexion du smartphone les renouvelle ou non. Chion aura esquissé ponctuellement cette question dans son cours sur le téléphone au cinéma, mais le corpus de films qu’il convoque n'inclut que de manière extrêmement marginale, et à travers le prisme de la science-fiction seulement, les enjeux du téléphone portable contemporain. Or, Le « vidéophone » que manifestait en 1968 Stanley Kubrick dans 2001, L'Odysée de l’espace, 2001: L'odissée de l'espace, film réalisé par Stanley Kubrick en 1968 n’est plus de l’ordre de l’anticipation, il suffit de regarder alentour.
Si André Zabunyan et Emmanuelle André (2013) traitent de films comme Cellular de David R. Ellis (2004), ou The Departed de Martin Scorsese (2006), la majorité de leur corpus est constitué de films muets ou sortis avant l’avènement des premiers smartphones dans le courant de l’année 2007. Zabunyan et André traitent certes de la portabilité mais non des autres caractéristiques propres au smartphone, ce qui les conduit à constater que :
« Les transformations technologiques qui ont affecté le téléphone- de fixe à mobile, de mobile à portable ou cellulaire- ne modifient pas les questionnements liés à la représentation : ils en déplacent plus profondément les termes, en fonction du bouleversement des coordonnées de l’espace-temps dont il est à la fois le support et le vecteur (changement de vitesse dans la transmission d’un signal, possibilité d’entendre et de voir son interlocuteur, amélioration de la qualité de la voix qui rapproche ce qui est lointain, etc.) » (2013, p.9)
Nous partageons dans une certaine mesure ce constat, puisque le smartphone est, même si on l’oublie parfois, aussi un téléphone qui comme le fixe permet à deux personnes de communiquer à distance (quelle que soit cette distance et que l’un des protagonistes de la conversation soit mobile ou pas), néanmoins il semble problématique de réduire le téléphone contemporain à cette seule fonction.
Roger Odin (2014) ira un peu plus loin, dans son article panoramique, et notera que la nouveauté du téléphone mobile repose sur sa portabilité et sa capacité à être multifonction (Odin, 2014, p. 38), mais il ajoute que ces caractéristiques ne conduisent à aucune invention formelle puisque les films le mettant en scène reposeraient sur « les deux figures principales déjà notées par les analystes de la thématique du téléphone fixe: le montage alterné et le split screen. » (Odin, 2014, p. 41) Nous aspirons à ce que cet ouvrage remette sur la table la question formelle ainsi que celle de l’inventivité narrative, que concède néanmoins Roger Odin dans l’état des lieux qu’il dresse des usages du téléphone dans le cinéma international.
Jusqu’à l’apparition du smartphone, la présence du téléphone au cinéma posait surtout la question fondamentale de la représentation d’une matière exclusivement sonore (la conversation téléphonique) par un média qui combine quant à lui sons et images. Mais la matière représentée par le smartphone a changé car le téléphone ne se réduit plus à sa capacité à transporter les sons, ainsi que le remarque Anaïs Guilet dans son article “Quelques spécificités du smartphone à l’écran : une introduction”. Le téléphone actuel repose sur une technologie polyfonctionnelle : il sert à transmettre et produire des informations écrites, des images (photos, vidéos, icônes), des sons (musique, dictaphone, captation), des données (GPS, gyroscope, calendrier, contact, etc.). Le smartphone se caractérise par sa capacité à être connecté, interface ouvrant tout entier l’espace d’Internet, ce hors-champ ontologique de l’écran de cinéma. Nous aurions alors du mal à imaginer que cette nouvelle condition téléphonique, elle-même fortement écranique, soit sans impact narratif et formel sur les films contemporains. Ajoutons que le smartphone, utilisé par plus de 2,5 milliards de personnes dans le monde et par 73% des Français 7, 7 milliards d'abonnements mobiles étaient souscrits à fin 2017, selon les estimations de l'International Telecommunication Union, pour un taux de pénétration de 103,5%. Les smartphones eux restent un pourcentage plus congru, même si 73% des Français en sont équipés Cf. Baromètre du numérique 2017. , apparaît comme un objet essentiel pour tout réalisateur souhaitant ancrer son récit dans le monde contemporain. Finalement, le travail le plus centré sur la question du smartphone au cinéma semble à notre connaissance être celui de Steven James Putsay qui dans son mémoire de maîtrise du College of Fine art de l’Ohio, intitulé Cell phones and cinema : filmic representations of mobile Phone. Technology and new agency, réalisé en 2007 voit dans l’apparition du smartphone un tournant dans la représentation du téléphone au cinéma. En effet, selon lui le rôle des interlocuteurs passerait de l’impuissance causée par la fixité du téléphone à la toute-puissance causée par sa mobilité. Son analyse est centrée sur l’agentivité permise par le smartphone. Il entend par le terme agency:
«(…) as the ability for fictional characters to accomplish a given task or goal, with the mobile phones in the examples cited becoming the means by which they are able to access this agency, and without these phones their tasks would be either impossible or exponentially more difficult.» (Putsay, 2007, p.7)
Il pose ainsi le téléphone comme un outil de développement des narrations cinématographiques contemporaines. L’analyse de Putsay est centrée sur l’action des personnages lesquels passent selon lui du statut de victime à celui d’acteur, d’agent. Son mémoire reste centré sur la capacité du téléphone à résoudre les problèmes auxquels les protagonistes sont soumis, en même temps qu’il génère du suspens. Néanmoins, si cette agentivité est résolument pertinente, elle semble seulement constituer la face émergée de l’iceberg formé par l’ensemble des représentations du smartphone au cinéma.
Il s’agira donc pour nous dans cette première partie de définir les apports, les changements apportés par les smartphones dans les films contemporains, ce qui n’implique en aucun cas de nier les représentations téléphoniques précédentes. Que l’on s’intéresse à The Guilty (2018) de Güstav Moller, à Personal Shopper (2016) d’Olivier Assayas ou encore à Mission Impossible: Fall out (2018) de Christopher McQuarrie, dans chacun de ces films le téléphone opère comme un moteur narratif et esthétique central. Dans le corpus choisi par les auteur.e.s de cet ouvrage, la connexion humain-machine va de soi. Elle n’est pas surnaturelle, horrible ou extra-terrestre. Par exemple, le téléphone connecté ne s’anime pas seul comme il peut le faire dans certains films comme Hellphone (2007) de James Huth Hellphone, réalisé par James Huth, 2006.
Les analyses mises en lumière ici montreront qu’en creux de la narration première, il y a dans les films étudiés la recherche d’une unité existentielle entre l’objet technique et le corps humain. Cette unité passe par la constitution d’un langage commun, soumis à évolution. Dans ce langage, le corps est le mode d’expression. En effet, dans cette relation d’usage, les sens sont mis en jeu de façon singulière : l’ouïe est originellement le sens privilégié mais certains gestes sont également nécessaires pour que la communication ait lieu. Taper les numéros sur le clavier, décrocher, permettent de raccorder deux personnes. Il y a aussi des émotions, des sons, des onomatopées, des expressions propres à cette relation. Avec le smartphone, les modes de communication proposés par l’appareil ne se résument plus seulement à l’ouïe : la communication peut se faire par message texte, par échange d’images ou de vidéos, lesquels imposent de nouveaux gestes (tenir le téléphone à bout de bras, à distance de notre visage pour la visioconférence, prendre et envoyer des photos, des selfies, etc.). Quels qu’ils soient, ces gestes engagent à leur tour une dimension haptique, expressive et émotionnelle, la même qu’explore du point de vue du spectateur Ghislaine Chabert dans son étude des dispositifs second screen. C’est également sans doute cette dimension qui intéresse le plus les réalisateur.trice.s de films qui mettent en scène des usagers du smartphone. Il n’y a qu’à voir les doigts tremblants de Maureen, l’héroïne de Personal Shopper d’Olivier Assayas, lorsqu’elle répond au message texte d’un homme dont elle ne sait s’il s’agit du fantôme, de son frère mort ou d’un psychopathe à sa poursuite, pour saisir le champ des possibilités narratives et dramatiques du smartphone au cinéma Image du film Personal Shopper d'Olivier Assayas sorti en 2016 Montage d’extraits du film Personal Shopper d’Olivier Assayas.
La caméra-stylo connectée
La seconde partie de l’ouvrage poursuit l’analyse de ces phénomènes d’encorporation cette fois-ci du point de vue du filmeur c’est-à-dire de celui qui fait un film. Le corpus s’étend du cinéma contemporain à des pratiques filmiques ancrées dans le quotidien de 2020. Nous aborderons donc des films d’auteurs ayant une singularité et des films amateurs réalisés au moyen d'applications toutes faites. Avec le téléphone-caméra, les rôles établis entre réalisateur.trice.s, acteur.trice.s et technicien.ne.s. se trouvent en effet modifiés.
Le film peut être réalisé par un.e cinéaste -extérieur.e au film, professionnel.le ou amateur.e- ou par l’un des personnages du récit -intradiégétique- ou encore en ayant recours aux deux diégèses -fiction véridique. Ce petit appareil ordinaire permet une proximité inédite avec le pro-filmique, pour reprendre le vocabulaire de Souriau, au point qu’il ne peut que modifier la relation avec les personnages, paysages ou objets qu'il capture. Les films faits avec un téléphone modifient aussi en profondeur les représentations que nous avons du temps et de l’espace vécus. La mobilité de l’outil est certainement l’un des facteurs clés du renouvellement des objets cinématographiques et filmiques qu’il permet de produire ; sa mobilité étant à la fois interne (écritures, interfaces, réseaux) et externe (déplacements, gestes, prises de vue) . Le filmeur est pris dans une « toute-puissance causée par sa mobilité » (Rodionoff, 2013). Il donne corps à l’espace abstrait et néanmoins senti qu’est celui de la mobilité même. « Le téléphone portable intelligent devient un médiateur esthétique en ce qu’il permet la traduction iconique d’une sensibilité vécue dans la mobilité même de l’individu.» (Rodionoff, 2013).
La petite taille du téléphone, la réduction de l’équipe de tournage autorisent davantage de prises de vue spontanées, d’ouvertures aux accidents, à des plans propres à cet « œil mécanique» qui fait qu'un corps, un paysage, un objet se trouvent détaillés de façon singulière. En effet, la caméra intégrée au téléphone tend à faire la netteté sur des « micros-plans ». Elle tend aussi à rendre dynamique visuellement (par le flou notamment) un geste, un mouvement fait par le filmeur Photographie du tournage du film Tangerine de Sean Baker. Sean Baker dit, à propos de son tournage en extérieur à l’iPhone pour Tangerine (2014) que « filmer avec cet appareil, c’est comme capturer la vie de la rue sans avoir besoin de l'annoncer, c’est comme si on tournait une vidéo-amateur». Filmer avec le téléphone-caméra, c’est faire en quelque sorte une plongée dans le continuum de la vie courante, dans le flux des expériences quotidiennes. Cette liberté de mouvement transforme forcément la relation que le filmeur entretient avec son milieu de tournage, les acteurs ou les personnages, les lieux.
« Faire un film avec un téléphone, c’est faire du smartphone le prolongement de la main ; c’est aller là où on ne peut pas aller avec une caméra classique ». Ce propos de Tommy Weber évoque assurément le manifeste d’Alexandre Astruc et son chapitre sur « La caméra-stylo » (1948) Tommy Weber a réalisé le court métrage « Je ne t’aime pas » (2018) avec plusieurs smartphones. . Il écrivait en 1948 : « La mise en scène n’est plus un moyen d’illustrer ou de présenter une scène, mais une véritable écriture. L’auteur écrit avec sa caméra comme un écrivain écrit avec un stylo ». Le cinéma, défendu par Astruc, relève d’un langage autonome comme il en est de l’essai ou du roman. L’auteur-réalisateur pense le film en fonction du contexte, des acteurs, des possibilités techniques des outils de filmage utilisés alors. Il est en prise avec le développement des technologies, en prise avec ce qui se passe au moment où le tournage se fait. Le cinéma fait avec un téléphone-caméra, pour reprendre encore des mots d’Astruc, est « un cinéma de l’avenir ». Entendons que les films faits avec le téléphone-caméra, comme Attack the Sun réalisé par Fabien Zocco et Gwenael Sartre, participent au développement d’un langage cinématographique et filmique propre. C’est de ce langage qu’il s’agit de discuter dans cette seconde partie.
Dans le cinéma contemporain, les films faits avec le téléphone sont surtout des courts métrages. Les raisons sont d’une part budgétaires. D’autre part, le format court permet une diffusion hors du circuit habituel du cinéma industriel. Les courts métrages se diffusent plus facilement hors des salles de cinéma. Ils sont visibles pour la plupart en streaming sur les sites des auteur.e.s, sur les plateformes des commanditaires (Apple, Arte par exemple) ou sur des plateformes ayant le monopole de la diffusion (tout âge et sexe confondus) de contenus multimédias en VoD comme YouTube ou encore Vimeo. Il y a aussi les festivals comme -pour ne citer que l’un des premiers- le « Pocket Film Festival ». Consacré à la création cinématographique avec téléphone mobile, il a été fondé par Benoit Labourdette en 2005 au Forum des images (Paris) au moment de l’apparition de la caméra dans les téléphones. Ces festivals offrent la possibilité d’établir une première sélection d’auteur.e.s de ce cinéma, de mettre en lumière des singularités. Ils encouragent encore à cerner les traits principaux de son esthétique.
Les cinéastes ayant une carrière reconnue dans le cinéma classique accompagnent le plus souvent la sortie de leur film par la diffusion de séquences vidéos dans lesquelles ils donnent des conseils, fournissent des astuces pour penser et écrire soi-même un film avec un téléphone-caméra. Le cinéaste peut également animer des workshops comme Michel Gondry lors du lancement de son court métrage Détour (2017) « Le 30 juin 2017, l’Apple Store parisien Marché Saint-Germain accueillera Michel Gondry. L’atelier est intitulé « Réaliser des films avec l’iPhone » et Michel Gondry parlera de son expérience lors du tournage de Détour, un court-métrage filmé entièrement avec un iPhone 7.» Dossier de presse. (Visionnez Détour) . Ces séquences vidéos renvoient aux tutoriels dans lesquels des particuliers conseillent des particuliers au moyen de courtes vidéos réalisées par exemple dans l’atelier de la maison pour montrer la mise en route d’une scie sauteuse Les tutoriels ou tutos, rendent compte d’un engouement pour le partage de compétences, de savoir-faire depuis le Web 2.0 et qui s’est accru avec le Web 3.0. Le perfectionnement technique des téléphones portables intelligents y participent également. . Les plus jeunes auteur.e.s-réalisateur.trice.s tendent à valoriser les diffusions en VoD de leurs courts métrages ; le réseau social étant considéré comme un moyen de parvenir à toucher un public large et de s’émanciper des contraintes et des coûts de diffusion du cinéma industriel. En effet, le téléphone possède cette capacité de produire et de diffuser des contenus au sein d’un même support ; le circuit de distribution pouvant atteindre un degré zéro.
Le cinéma de films faits avec des téléphones-caméras rejoint en de nombreux points les questionnements provoqués par le développement des technologies dans nos sociétés : questions culturelles, sociales, politiques, économiques. Ici, la rencontre se fait au moyen de l’écriture, du langage propre au téléphone connecté. Elle se fait aussi par une attention au public de ces films. L’étude de Laurence Allard sur des usagers-filmeurs entre 14 et 25 ans de l’application « Tik Tok », expose une jeunesse en prise avec la ritournelle, saisie dans l’imitation de la précédente, imitation d’une origine lointaine. Cette lecture critique d’un certain public des contenus VoD, permet de prendre pleinement conscience de sa tendance à incorporer des modes d’expression et de diffusion dématérialisés, de la manière dont il “encorpore” des pratiques propres au langage du téléphone connecté. Il s’agit finalement de nous demander si ce public sera également à même de recevoir le cinéma de l’avenir, le cinéma composé de films faits avec un téléphone connecté.